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Une interview intime avec une légende de Grand Seiko, Akira Ohira

Nous avons le plaisir de partager avec vous en exclusivité cette unique interview en Français, traduction  de l’article de notre ami Ken Hokugo. Cette interview fabuleuse est une exclusivité réservée à Ikigai Watches et la seule interview en Français de cette légende de l’histoire de Seiko. Il s’agit également d’une manière plus large de la seule interview aussi intime de ce grand horloger.

 

Si vous ne savez pas encore qui est Ken Hokugo, vous trouverez son interview en Anglais ici même.

 

Un immense merci à Ken pour cette opportunité incroyable d’entendre ces récits passionnants directement de la bouche du Sensei.

 

 

Maintenant, parole à Ken.

 

 

 

Il s’agit d’un article que j’ai écrit en 2012, lors de ma première rencontre avec Mr Ohira. Vous ne le connaissez peut être pas, mais vous êtes familiers avec ses travaux. On dit qu’il a «les Mains de Dieu» et il est surnommé «le Dieu du réglage» (ça sonne mieux en Anglais ou en Japonais !). Pour tout vous dire, je lui demande toujours de régler lui-même toutes les nouvelles Seiko que j’achète. Après quelques semaines ou mois, on se retrouve et les montres – que ce soit des 9S, 6L ou des mouvements de moins bonne qualité – reviennent toujours avec une précision de +/- 3 secondes au plus dans toutes les positions. Il est très têtu et ne supporte pas qu’une montre dérive de plus de 3 secondes dans chaque position, et il fait systématiquement mieux.

Une autre chose à savoir, c’est qu’il est l’instructeur qui enseigne et a enseigné à tous les horlogers des centres SAV Seiko partout dans le monde. Alors que Seiko gagne en popularité partout dans le monde, leur but était de créer des centres SAV tout autour du globe pour que les Grand Seiko n’aient pas à retourner au Japon, et c’est lui qui fut le formateur de tous ces horlogers. Depuis plusieurs années, il est donc sur les routes pendant environ un tiers de l’année, ce qui explique en partie pourquoi il prend autant de temps pour régler mes montres.

C’est un privilège d’être aussi proche de lui et de le compter parmi mes amis. Je me doute que vous aimeriez que votre montres soient réglées par «les Mains de Dieu» en personne, mais soyez patients. Il y réfléchit mais il ne prendra sa retraite que dans quelques années. Même moi, je ne peux le voir et lui demander de travailler sur mes montres qu’une ou deux fois par an.

J’ai une vieille 61GS VFA qu’il a réglé il y a environ 5 ans. Elle tourne toujours à 2 secondes par jour. Quand il me l’a rendue, c’était moins d’une seconde par jours dans chaque position et au porter. Il m’a expliqué que le résultat était bon parce que le mouvement était bien conçu et que cet exemplaire était un des meilleurs qu’il ait eu entre les mains (et il a travaillé sur de très nombreuses VFA par le passé). Dans mes pièces modernes, certaines ont été réglées par lui et elle tournent toutes à moins de 3 secondes par jour, même celles en-dessous de 1000€, aussi bien au porter que sur le TimeGrapher (mais elles devront être re-réglées un jour ou l’autre). Après deux semaines sur un WatchWinder, mon 8L n’avait perdu que 10 secondes, pas mal non? Ah, et je dois vous prévenir les amis, il n’aime PAS le Spring Drive. Il n’aime et ne règle que les Seiko mécaniques.

Il fait un travail incroyable. C’est peut être long et couteux, mais ça vaut vraiment le coup. Je peux (à peine !) supporter une montre dans les tolérances du COSC, mais je ne supporte pas qu’une montre tourne à, disons, 15 secondes par jour. Impossible ! Et je suis sûr que c’est pareil pour vous. Bref, ce qu’il faut retenir c’est que vous ne voulez pas oublier son nom, qui sait, un jour vous pourriez avoir besoin de ses services…

Donc gardez ça dans un coin de votre tête et sans plus attendre, voici l’article que j’ai rédigé sur ma première rencontre avec Mr Ohira ou Ohira Sensei. Vous y découvrirez à quel point il a été important pour Grand Seiko.

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Un jour, j’ai reçu un coup de fil de l’ancien responsable des relations publiques de Seiko, qui est maintenant responsable du SAV à l’international. Il suggérait que je rencontre le “père” des Grand Seiko mécaniques modernes et qu’éventuellement je pourrais entendre des histoires qui n’avaient pas encore été révélées publiquement. En tant que grand fan et collectionneur de Grand Seiko, autant vintage que modernes, j’ai tout de suite répondu oui et le rendez-vous eut lieu rapidement. Il était plus que le père de Grand Seiko, mais bien le parrain de tous les horlogers GS et de tous les processus de fabrication de ces mouvements.

L’idée de la renaissance des Grand Seiko mécaniques a vu le jour en 1996 et le projet comprenant le design et la conception du mouvement etc commença en 1997, avec l’annonce officielle et le lancement en 1998. Mr Ohira fut impliqué dans le projet dès la phase de développement, y compris pour l’assemblage, le réglage, l’évaluation et les retours à l’équipe de design et conception du mouvement, dans le but de contribuer à la fameuse précision de la gamme Grand Seiko.

J’espère que vous prendrez autant de plaisir à lire cette interview que j’en ai eu à la faire. Grand Seiko se développe de plus en plus à l’international et il devient de plus en plus facile de s’en procurer. J’espère que vous apprécierez la précision dont jouissent ces montres, surtout par rapport à leur prix. Ces performances font parti des meilleures du marché mais le prix reste tout à fait raisonnable. En tant que montre relativement simple – trois aiguilles, date ou pas – et robuste dont le design ne change qu’avec parcimonie, les Grand Seiko ne sont pas affectées par les modes, ce qui en fait des montres d’autant plus durables et intemporelles, pouvant même être transmises aux générations futures. GS s’est d’ailleurs préparé à ça en gardant en stock des pièces de SAV jusqu’à trente ans après la fin de commercialisation d’un modèle.

 

Akira Ohira

 

Biographie rapide de Mr Akira Ohira:
1970: rejoint Seiko Instruments Inc. (alors appelée Daini Seikosha) à l’age de 15 ans.
1982-83: à Manaus, Brésil, pour installer une usine pour les calibres mécaniques 70xx et 42xx.
1994-96: à Gangzhou, Chine, pour augmenter la capacité de leur usine là-bas.
1997-2009: implication dans la renaissance des Grand Seiko mécaniques, il était à l’origine l’unique personne à faire l’assemblage et le réglage.
Septembre 2009 – aujourd’hui: Seiko Instruments Inc, Assistant manager, Centre Horloger d’Éducation et de Formation Technique, Préfecture de Chiba, Japon.
Surnommé “le Dieu du Réglage” par les fans.

 

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KIH: Merci beaucoup de prendre le temps de me recevoir aujourd’hui. J’ai entendu beaucoup de “légendes” à votre sujet et je suis très heureux de pouvoir enfin vous rencontrer. Il y a de nombreux fans de Seiko à travers le monde et je suis sûr qu’ils doivent aussi avoir très envie d’entendre vos histoires.
Votre carte de visite parle du Centre d’Education et de Formation. Vous transmettez donc maintenant votre savoir-faire et vos connaissances aux jeunes générations?

Ohira (AO): Et bien entre autres oui, je forme également les horlogers à travers le monde. J’ai formé les horlogers de Hong Kong l’an dernier et ceux de Thailand et de Russie cette année. Comme vous le savez surement, GS s’attaque au marché mondial et pour ça, il faut que des centres de SAV soient montés dans ces régions. Une chose importante à signaler est que j’ai passé la totalité de ma carrière chez Seiko Instruments Inc ou SII (anciennement Kameido puis Daini Seikosha, à qui appartient le Shizukuishi Watch Studio qui produit les GS mécaniques), mais il y a également Seiko Epson (anciennement Suwa Seikosha, qui fabrique les GS Quartz et Spring Drive). Et je ne sais pas grand chose de “l’autre” Seiko, alors que pour les clients, Seiko c’est Seiko. J’ai donc étudié l’histoire et les mouvements importants de “l’autre” Seiko pour être un meilleur formateur.
[ndlr: à ce sujet, nous préparons un article sur l’histoire et la rivalité de Daini Seikosha et Suwa Seikosha qui paraitra prochainement.]

 

 

KIH: Il semblerait que vous soyez surnommé “le Dieu du Réglage” ou que vous ayez “les Mains de Dieu”, mais vous ne travaillez plus au Shizukuishi Watch Studio. Qui a maintenant la lourde responsabilité de vous succéder?

AO: D’une certaine façon, tous les horlogers de Shizukuishi sont mes apprentis et le réglage est maintenant effectué par certains d’entre eux. À mon sens, régler une montre n’est pas qu’un question de “nombres”, mais ça fait appel à une intuition, presque un sixième sens si vous voulez. C’est une tache de la plus haute importance dans l’horlogerie haut de gamme.

 

 

45GS

 

SBGH001

AO: (à propos de la SBGH001, première Hi-Beat moderne) C’est le dernier calibre pour lequel j’ai été responsable de l’assemblage et du réglage.

 

KIH: Quelles sont les différences entre les Hi-Beat vintage et les Hi-Beat modernes SBGH?

AO: A l’époque des Hi-Beat vintage, il était rare de faire réviser ses montres à intervalles régulières. Et contrairement à aujourd’hui, les gens étaient moins regardants sur la précision – l’heure précise n’était pas disponible partout comme aujourd’hui ou alors on était moins à cheval sur la ponctualité. Les gens utilisaient leur montre jusqu’à ce qu’elle tombe en panne et à ce moment-là, ils allaient la faire réparer. Entre temps, les pièces du mouvement s’étaient trop usées et la précision initiale ne pouvait plus être retrouvée. Mais de nos jours, les gens attendent des Hi-Beat qu’elles soient extrêmement précises (et il est très facile de trouver l’heure précise partout pour s’en assurer), donc les Hi-Beat SBGH se doivent d’être très fiables et durables.
Les anciennes Hi-Beat délivraient un couple élevé, mais la réserve de marche et la durabilité de ces modèles ne correspondent plus aux besoin d’aujourd’hui. Les nouvelles Hi-Beat ont beaucoup d’améliorations par rapport aux anciennes, entre autre les “réservoirs à lubrifiant” au niveau des dents de la roue d’échappement ainsi qu’un nouveau ressort de barillet qui présente des avantages par rapport au rapport couple/réserve de marche.

 

 

KIH: Parlons un peu de la renaissance des Grand Seiko mécaniques. Comment est-ce que vous vous êtes retrouvé impliqué dans ce projet?

AO: On m’a parlé, je crois que c’était en 97, de ce projet de résurrection de la ligne de montres mécaniques Grand Seiko. J’ai levé la main et j’ai accepté de prendre part au projet, mais à une condition: j’ai demandé à le faire seul dans un premier temps. Je voulais juste m’assurer que personne n’interfère avec mes intuitions sur l’ensemble du process. Evidemment, on me fournissait les pièces dont j’avais besoin, mais je voulais faire moi-même l’assemblage et le réglage pour être sûr d’atteindre le niveau de précision nécessaire au respect des normes Grand Seiko.

 

 

KIH: Comment s’est passé le projet? Comme prévu?

AO: Évidemment pas. On avait prévu de lancer la nouvelle Grand Seiko mécanique aux alentours de Noël 1998, mais dès début 98 j’ai senti que ça serait extrêmement difficile à faire. J’ai donc dit à mes supérieurs qu’on n’arriverait jamais à respecter le délai, mais ils n’ont pas changé d’avis. Je leur ai donc dit que l’équipe devrait travailler sans week-end ni congés, et qu’ils ne devaient même pas essayer de nous forcer à prendre des jours de repos. Je leur ai juste demandé de compenser financièrement l’équipe.

 

KIH: Quelle fut la tâche la plus difficile à réaliser avant la deadline?

AO: Le réglage. La précision est au coeur de ce qu’est Grand Seiko. Comme vous le savez, le réglage du COSC comprend 5 positions. Ces 5 position excluent la position “12h en haut”, qui est généralement la position qui ralentit le plus le mouvement. Mais dans le standard GS, on a les 6 position, ce qui inclu également la position la plus difficile pour le réglage.

 

KIH: Il me semble que vous avez rejoint Seiko en 1970, à l’âge de 15 ans. Je suppose que vous n’étiez pas impliqué dans GS dès le début de votre carrière. Qu’avez-vous fait avant d’être impliqué chez Grand Seiko?

AO: Ma première tâche fut d’ouvrir les fonds des boîtiers, qu’ils soient clipsé ou vissés, pour l’assemblage des montres, de 9h du matin à 17h. J’ai fait ça pendant des mois. Ceux qui ne supportaient pas l’ennui de cette tâche quittaient la compagnie. Ensuite j’ai fixé les cadrans aux mouvement assemblés. Puis ensuite poser les aiguilles… Et on était évalué en fonction du taux de réussite. Il fallait que le taux de réussite atteigne un certain pourcentage avant de pouvoir passer au niveau suivant. Et puis à l’âge de 20 ans, on m’a envoyé dans une école d’horlogerie interne à Seiko. J’ai étudié l’horlogerie tous les jours pendant six mois. Et quand je suis retourné à l’établi, les montres mécaniques n’étaient plus le centre de l’attention, c’était les montres à quartz.

 

KIH: Ensuite on vous a demandé de travailler sur la renaissance des GS mécaniques?

AO: Pas tout de suite. Avant GS, j’ai été impliqué dans l’assemblage et le réglage des Credor Chronomètre, avec le movement 4S79, en 1997, c’était une édition limitée à 500 pièce (note: il y a aussi eu une édition limitée à 20 exemplaires pour un revendeur, ce qui porte le nombre total de mouvements à 520). Je l’ai fait seul. Comme sur le calibre des 44KS, j’ai collé un petit poids SUR le spiral pour assurer l’isochronisme. C’est une méthode méconnue, et les horlogers qui ne la connaisse pas pensent que c’est une poussière, ils l’enlèvent et ruinent tout. J’ai même choisi exactement quel type de colle utiliser en appelant Locktite pour leur dire exactement ce que je voulais et il m’ont fait quelques échantillons pour essayer. Bien que j’ai assemblé et réglé toutes ces montres moi-même, je n’en ai jamais vu sur le marché de l’occasion … Bref, cette idée du poids SUR le spiral faisait partie du “grand livre” interne, une sorte d’accumulation du savoir technique de Seiko consigné dans un livre. Ca marche, mais ça n’a été implémenté que dans la 44KS et le 4S79. Au fait, GS n’utilise pas de spiral à courbe terminale Bréguet mais des spiraux plats – ça s’appuie sur les recherches qu’on a fait, incroyable non?

 

Credor GBAY992 (il y a eu également la GZAY999 limitée à 20 exemplaires avec cadran noir et boite en or blanc). Notez le “CHRONOMETER” sur le côté droit du cadran. Il y a eu de nombreuses Credor avec le 4S79, mais les versions Chronometer n’étaient que pour les éditions limitées.

 

AO: Puis après ça on a décidé de ressusciter les GS mécaniques en 98 et je me suis porté volontaire, on connait la suite. Oh, et on a aussi fait une montre à 12 battements par seconde, avant la GS à 10 battements. Là aussi, j’ai fait l’assemblage et le réglage.

 

KIH: 12 battements? 43200 bph? Je n’en avais jamais entendu parler.

AO: On en a juste fait une, pour Credor, pièce unique. C’était le calibre 8L88, avec un prix de 600 000 dollars. C’était un boitier très décoré avec de l’or, de la lacque Japonaise, de la macre etc. Donc on a sorti le mouvement à 12 battements avant le 10 battements. C’était en 2008.

 

 

KIH: Enfin, dernière question et non des moindres, quelle est la suite pour GS?

AO (et Mr Tsuchiya – Chef de Produit): Comme vous l’avez sûrement déjà beaucoup entendu, le concept des GS est de faire la montre parfaite de tous les jours. Dans ce but, si ça fait sens, on pourrait choisir de faire un tourbillon si ça permet de rendre les GS plus précises. Si le calendrier perpétuel rend la montre plus pratique, on pourrait aller dans cette direction. Mais avant tout, c’est la précision qui est au coeur de GS. Nous avons également entendu beaucoup de retour de la part des amateurs de la marque qui demandent à avoir un mouvement Hi-Beat manuel, mais pour le moment, nous ne pouvons pas vous dire si nous en ferons un un jour.

 

KIH: Est-ce que vous pensez pouvoir encore améliorer la précision des GS à l’avenir? Avec le retour de la VFA qui pouvait se targuer d’être à +/- 2 secondes par jour par exemple.

AO et Mr Tsuchiya: Ca devrait être basé sur un calibre Hi-Beat. Le facteur primordial est la gestion du couple. Comme le Hi-Beat nécessite un couple plus important, bien qu’il soit plus difficile à contrôler, ça permet de garder un couple constant le plus longtemps possible pour améliorer la précision. Il faudrait donc qu’on ait le mécanisme le plus efficace et efficient pour réduire encore plus les variations de couple. Et faire ça avec les 6 positions du standard GS rend les choses encore plus difficiles qu’avec le COSC…

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La discussion continua pendant des heures…
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KIH: Wow, ce sont vraiment des histoires passionnantes que vous avez là. Merci infiniment pour le temps que vous m’avez accordé aujourd’hui. J’aurais beaucoup de plaisir à revenir et continuer cette discussion avec vous.

AO: Tout le plaisir est pour moi, revenez quand vous voulez.

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Voici quelques pièces de la collection vintage de Mr Ohira

 

SEIKOSHA Right (ca. 1930)

 

Chronographe – modèle spécial pour les JO de Tokyo (1964) NOS

Encore stickée.

 

45GS

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Remerciements à:
Mr. Akira Ohira – Seiko Instruments Inc. « les Mains de Dieux »
Mr. Kaoru Matsumoto – Seiko Watch Co. Directeur du département Service Client international.
Mr. Yuji Tshuchiya – Seiko Watch Co. Chef de produit.
Ms. Keiko Naruse – Seiko Watch Co. Département des relations publiques.

Merci pour votre lecture.

Ken